Le 22 janvier, le journaliste Martinez Zogo est retrouvé mort, après avoir été enlevé et torturé. Ce 4 mars, Jean-Pierre Amugou Belinga, un influent homme d'affaires au Cameroun, est inculpé pour "complicité de torture". Il est soupçonné d'être impliqué dans le meurtre du journaliste, déclare son avocat Me Charles Tchougang.
Jean-Pierre Amougou Belinga, réputé proche de plusieurs ministres et hauts responsables de l'Etat, avait été arrêté le 6 février. Il a été présenté "dans la nuit" devant le tribunal militaire de la capitale Yaoundé, puis placé en détention provisoire, a indiqué son avocat. Une source au sein du tribunal militaire a confirmé ces informations sous le couvert de l'anonymat.
"Ce n'est qu'une inculpation, l'information judiciaire ne fait que commencer" et "il n'est pas inculpé pour le meurtre de Martinez Zogo", a souligné son conseil.
M. Belinga "a été placé sous mandat de dépôt (...) à la prison principale de Kondengi" après avoir été "présenté devant un juge d'instruction au tribunal militaire", a précisé un groupe de média dont il est propriétaire dans un communiqué.
Sollicitées, les autorités n'ont pas donné suite concernant d'autres inculpations, mais plusieurs personnes soupçonnées dans cette affaire impliquant d'importants agents de l'administration ont également été présentées au tribunal militaire dans la soirée vendredi, selon un journaliste de l'AFP sur place.
Leopold Maxime Eko Eko, à la tête de la Direction générale des renseignements extérieurs (DGRE) ainsi que son directeur des opérations, Justin Danwe, figurent parmi les personnes suspectées, ont indiqué à l'AFP un responsable du ministère de la communication sous couvert de l'anonymat et d'autres sources officielles ayant également requis la confidentialité ces derniers jours.
Un journaliste de l'AFP a pu voir le chef de la DGRE sortir du tribunal militaire samedi aux alentours de 06H30 (05H30 GMT) et monter dans un véhicule.
Enlevé le 17 janvier par des inconnus dans la banlieue de la capitale devant un poste de gendarmerie, Arsène Salomon Mbani Zogo, dit "Martinez", 50 ans, avait été retrouvé mort cinq jours plus tard. "Son corps a manifestement subi d'importants sévices", avait annoncé le gouvernement.
Martinez Zogo dénonçait particulièrement au micro de son émission Embouteillage de présumées affaires de corruption dans lesquelles il mettait régulièrement nommément en cause M. Amougou Belinga, propriétaire de nombreux groupes d'entreprises dans les domaines de la banque, des finances, de l'assurance, de l'immobilier et des médias, dont le quotidien L'Anecdote, les télévisions Vision 4 et Télésud ainsi que la radio Satellite FM, tous réputés en faveur du pouvoir.
Opposition politique, ONG de défense des droits humains, syndicats de journalistes, nationaux et internationaux, avaient condamné d'une même voix cet "assassinat" exhortant à une enquête indépendante.
Le gouvernement avait très rapidement dénoncé un "crime odieux" et annoncé, le 2 février, l'arrestation de "plusieurs personnes", "fortement suspectées" d'être impliquées dans cet assassinat qui a déclenché une vague d'indignation dans le pays et à l'étranger.
Quelques jours avant l'arrestation de M. Belinga le 6 février, l'organisation internationale Reporters sans Frontières (RSF) avait dénoncé un "crime d'Etat", "dans une ambiance de guerre de succession, voire de déstabilisation majeure du régime du président Paul Biya", qui a depuis fêté ses 90 ans.
RSF mettait en cause nommément et directement M. Amougou Belinga dans l'enlèvement, les actes de torture et le meurtre de Martinez Zogo, en citant le procès-verbal d'audition de très hauts responsables de l'appareil de sécurité arrêtés, et dont l'organisation assure avoir lu une copie.
RSF citait également un ministre important dans les responsabilités ayant conduit à la mort de Martinez Zogo, ainsi que "d'autres personnalités importantes, dont plusieurs ministres proches de Jean-Pierre Amougou Belinga, (qui) pourraient avoir été mises au courant", en s'appuyant toujours sur le PV d'audition.