Pour la première fois depuis son assassinat par les Nazis le 7 juin 1940, à Airaines, dans le Nord de la France, un chef d’Etat gabonais rend hommage au capitaine Charles N’Tchoréré à Libreville, la capitale du pays. Après une première cérémonie inédite à Airaines, le 2 juin dernier, aux côtés de Marcel Tchoreret, neveu et président de la Fondation capitaine Charles N’Tchoréré, Brice Oligui Nguema préside ce vendredi 7 juin 2024, un recueillement national dans la ville natale de N’Tchoréré. Marcel Robert Tchoreret témoigne. Interview.
TV5MONDE : Pour la première fois, vous avez assisté, à Airaines, en Picardie, en France, aux cérémonies en hommage à votre oncle, le capitaine Charles N’Tchoréré, organisées par les autorités françaises, en présence du chef de l’Etat gabonais, le général Brice Oligui Nguema. Qui est à l’origine de cette invitation, et comment s’est déroulée cette cérémonie ?
Marcel Robert Tchoreret : Cette année, c’est le maire d’Airaines, Albert Noblesse, qui a invité le chef de l’Etat à assister aux commémorations de l’assassinat du capitaine Charles N’Tchoréré. En ce qui me concerne, le président de la République m’a demandé de faire partie de la délégation qui devait l’accompagner à Airaines. C’était un honneur pour moi, comme pour toute la famille N’Tchoréré.
C’était une grande et belle manifestation. Elle a honoré non seulement la France, mais aussi le Gabon et toute l’Afrique. Le capitaine Charles N’Tchoréré a servi sur de nombreux territoires de l’empire colonial français, notamment en Afrique occidentale française et en Afrique équatoriale française. Un voyage plein d’émotion et aujourd’hui, nous sommes tous fiers d’avoir été aux côtés du chef de l’Etat.
D’ailleurs, le maire d’Airaines devra aussi se rendre à Libreville, dès le 28 juin prochain, dans le cadre du pacte d’amitié et de coopération signé en février dernier avec la capitale gabonaise. Une délégation conduite par le général Jude Ibrahim Rapontchombo, délégué spécial chargé de la commune de Libreville, s’était rendu pour l’occasion à Airaines.
TV5MONDE : Qu’avez-vous ressenti à votre arrivée à Airaines ?
Marcel Robert Tchoreret : J’ai ressenti une émotion très vive. Dès mon premier contact avec la région, j’ai été secoué par une vibration profonde, d’autant que je suis arrivé très tôt, au petit matin. C’était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville pour laquelle mon oncle a donné sa vie.
Le président de la transition gabonaise Brice Oligui Nguema, dépose une gerbe de fleurs au pied du monument dédié au capitaine charles N'Tchoréré, à Airaines, le 2 juin 2024.
Mais surtout, depuis sa mort le 7 juin 1940, aucun membre de la famille n’est allé à Airaines pour procéder à une procession rituelle, afin d’apaiser son âme, mais aussi celle de son fils le caporal Jean-Baptiste N’Tchoréré, mort à Remiencourt, à quelques kilomètres d’Airaines, trois jours après son père, le 10 juin 1940.
J’ai donc communié avec mon oncle, dans le respect de nos traditions. Et jusqu’à présent, j’ai le sentiment d’être encore habité par toutes ces émotions que j’ai vécues à l’endroit où mon oncle est tombé. Tout cela était évidemment très impressionnant.
TV5MONDE : Comment avez-vous été accueilli par les populations locales, et quel regard portez-vous sur cet hommage rendu une fois de plus à votre oncle ?
Marcel Robert Tchoreret : Vous savez, dire merci comme ça ne serait pas suffisant. Les populations d’Airaines sont très attachées aux valeurs humaines et à la mémoire du capitaine Charles N’Tchoréré, qui a défendu leur ville durant la Seconde Guerre mondiale. Nous avons été très bien accueillis et les populations étaient très heureuses et fières de recevoir pour la première fois, un chef d’Etat gabonais et toute sa délégation.
Les populations assistent à l'exposition des planches géantes de la BD intitulée "Le capitaine N'Tchoréré et les combats d'Airaines des 5, 6 et 7 juin 1940", réalisée en 2016 par des enfants d'Airaines, sous la direction des auteurs de BD Alex Imé et Nicolas Desrues, et à l'initiative de l'association Atout lire.
Le maire d’Airaines, Albert Noblesse, toutes les personnalités politiques présentes, les anciens combattants… Tout le monde a fait le nécessaire pour nous honorer. Cette chaleur humaine s’est aussi ressentie durant l’office religieux qui a précédé la cérémonie d’hommage au pied du monument dédié au capitaine Charles N’Tchoréré. Malgré le peu de temps passé sur place, j’ai découvert qu’Airaines est une ville très calme, très belle, dans laquelle on ressent la sérénité et la tranquillité.
TV5MONDE : Ce vendredi 7 juin 2024, c’est au tour du Gabon de rendre hommage au capitaine Charles N’Tchoréré, toujours en présence du chef de l’Etat, Brice Oligui Nguema. En quoi cette cérémonie est-elle à la fois inédite et très importante ?
Marcel Robert Tchoreret : Cette cérémonie est très importante parce que depuis des années, la Fondation Capitaine Charles N’Tchoréré se bat avec des moyens limités, pour faire vivre la mémoire de N’Tchoréré. Nous avons évidemment bénéficié de quelques soutiens de poids au fil des ans : feu le grand historien gabonais Ange François Xavier Ratanga Atoz, l’ambassade de France au Gabon ou encore le 6ème bataillon d’infanterie de marine, en garnison à Libreville depuis sa création en décembre 1975, et qui est l’héritier du 6ème BIMA fondé en 1890.
Le monument dédié au capitaine Charles N'Tchoréré à Libreville, au Gabon.
Les nouvelles autorités gabonaises ont pris conscience de l’importance de cette cérémonie et du devoir de mémoire de la Seconde Guerre mondiale.
Le capitaine N’Tchoréré fait partie des grandes figures gabonaises. Grâce au président de la transition Brice Oligui Nguema, il est considéré comme un héros national.
TV5MONDE : Vous présidez la Fondation capitaine Charles N’Tchoréré, qui œuvre à la mémoire du capitaine. Quels sont les perspectives d’avenir de cette organisation ?
Marcel Robert Tchoreret : Je suis le fondateur de cette ONG qui a aussi pour but de mener des actions humanitaires, de former les citoyens aux valeurs de la République, de former les citoyens et en particulier les jeunes aux valeurs humanistes, traditionnelles, mais aussi citoyennes. Tout cela concourt évidemment à ce que le pays reste uni.
Il est vrai que le capitaine était un humaniste. Il croyait dans la paix dans le monde. Il était attaché à toutes ces valeurs dont nous venons de parler. Nous espérons d’ailleurs que les nouvelles autorités apporteront tout leur soutien à la Fondation, afin qu’elle puisse mener à bien ses activités.