"Que plus personne ne nous parle de la Cedeao" : des milliers de personnes ont manifesté ce mardi 28 janvier au Mali, au Niger et au Burkina Faso pour soutenir le retrait de leurs pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), qui devient effectif mercredi 29 janvier.
Ces trois pays sahéliens, dirigés par des régimes militaires arrivés au pouvoir lors de putschs entre 2020 et 2023, font de leur souveraineté nationale une priorité et ont notamment tourné le dos à l'ex-puissance coloniale française. Ils ont formé leur propre confédération, l'Alliance des Etats du Sahel (AES) et annoncé il y a un an vouloir quitter la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao), qu'ils estiment inféodée à Paris.
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A Niamey, plusieurs milliers de manifestants, avec en peloton de tête des membres du régime militaire, se sont rassemblés à la Place Toumo, puis ont marché vers la Place de la Concertation, devant l'Assemblée nationale, à quelques kilomètres de là.
Ils ont scandés des slogans hostiles au président français Emmanuel Macron mais aussi à certains chefs d'Etat de la région avec lesquels le Niger entretient des relations tendues, comme le Bénin, le Nigeria ou la Côte d'Ivoire.
"Le 28 janvier 2024 nous avons annoncé notre sortie de la Cedeao avec effet immédiat. Beaucoup pensaient que c'était une blague, ils pensaient qu'on allait revenir sur notre décision", a dit lors de manifestation le colonel Ibro Amadou Bacharou, chef d'Etat major particulier du chef de la junte nigérienne, le général Abdourahamane Tiani. "Aujourd'hui c'est terminé, il n'y a plus rien entre la Cedeao et nous!", a-t-il ajouté.
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A Ouagadougou, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à la place de la Nation, dont le Premier ministre Rimtalba Jean-Emmanuel Ouédraogo et des membres du gouvernement. "Vive l'AES, à bas la CEDEAO", "Adieu la Cedeao aux mains liées, vive l'AES libre", pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants.
Dans le cortège, les drapeaux des trois pays sahéliens et celui de la Russie flottaient au vent.
"La Cedeao est l'une des cordes de notre asservissement qui a été coupée. Pour couper le cordon de l'impérialisme (...) cela ne se fera pas par les mains tendres d'une sage-femme, mais par une hache (...)", a déclaré en marge de la manifestation le Premier ministre Ouédraogo.
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Enfin, au Mali, un rassemblement se tenait dans l'après-midi, à Kurukanfuga, près de Bamako, un lieu emblématique du patrimoine du pays. "La Cedeao a tourné le dos aux idéaux de ses pères fondateurs et au panafricanisme", a déclaré à la tribune l'un des organisateurs, Samou Samuel Koné, ajoutant que l'organisation était devenue "une entrave au développement de ses Etats membres".
Les manifestations de soutien aux juntes sont fréquentes au sein des pays de l'AES, où les voix critiques sont régulièrement étouffées par les régimes au nom de la lutte contre la déstabilisation de leurs pouvoirs.
Le 29 janvier 2024, au lendemain de leur annonce, les trois pays avaient formellement notifié à la Cedeao leur volonté de retrait "immédiat". Les textes de l'organisation ouest-africaine imposent cependant un délai d'un an pour qu'il soit effectif. Après l'échec de tentatives de médiation, il entrera en vigueur mercredi 29 janvier.
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Certains membres de la Cedeao comme le Togo et le Ghana ont récemment adopté une position plus souple envers les pays de l'AES. Ces derniers vont émettre dès mercredi leur propre passeport commun, sans remettre en cause dans l'immédiat la libre circulation dans la région.
Ils ont également annoncé la constitution prochaine d'une armée unifiée de 5.000 hommes pour combattre les djihadistes.