
Le Burkina Faso, pays situé entre le Niger et le Mali, a connu son attaque la plus meurtrière depuis le début des violences jihadistes en 2015, il y a cinq jours. Le pays sahélien est frappé par des offensives terroristes qui sont de plus en plus fréquentes et meurtrières. Plus de 7000 personnes auraient depuis fui la région touchée.
Dans la nuit de vendredi 4 à samedi 5 juin, des hommes armés soupçonnés d'être des djihadistes ont attaqué le village de Solhan, dans la province du Yagha (Nord-Est du pays), tuant 132 personnes selon le gouvernement. Les sources locales évoquent un bilan de 160 morts tandis que le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) fait état de son côté de 138 personnes.
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"Après l'attaque, le village de Solhan s'est complètement vidé de sa population. Des personnes, femmes, hommes et enfants se sont déplacées pour se rendre à Sebba", a indiqué le ministre burkinabé de la Communication, Ousséni Tamboura. Chef-lieu de la province du Yagha, Sebba est située à une quinzaine de kilomètres du village de Solhan où l’attaque a eu lieu.
Selon un élu local, Solhan est devenu un village "fantôme où les forces armées ont pris position" et où les assaillants "ont quasiment tout incendié, les habitations, le marché, l'école et le dispensaire où tout a été emporté".
Alors que le gouvernement avait initialement annoncé 7.000 déplacés, il seraient au final 7.600 a avoir fui leurs foyers, de peur de représailles.
À Genève, un porte-parole du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), Babar Baloch, a déclaré que "craignant pour leur vie, 3.300 personnes ont fui vers des villages proches, et parmi elles plus de 2.000 enfants et plus de 500 femmes". Ces personnes "sont arrivées avec très peu ou aucune possession" et la majorité a été "généreusement accueillie par les familles locales qui partagent le peu de choses qu'elle ont", a souligné Babar Baloch.
Le HCR, en collaboration avec les autorités locales, chercherait à mettre en place 200 abris dans la région. Une assistance est aussi proposée aux personnes déplacées, bien que "plus de ressources sont nécessaires pour augmenter l’aide", indique M.Baloch.
"Les dispositions ont déjà été prises pour leur assurer un minimum de confort, de logement, de restauration", a assuré toutefois le Premier ministre burkinabé Christophe Dabiré.
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"Nous allons nous réorganiser pour pouvoir apporter la réponse appropriée à la situation", a assuré le Premier ministre Dabiré, avant de visiter le lieu du drame à Solhan. "Nous avons pris des dispositions sécuritaires et aujourd'hui cette partie du territoire est occupée par un certain nombre de forces qui sont en train de faire un ratissage", a-t-il ajouté, sans en dévoiler plus sur la stratégie militaire de l’armée pour rétablir la sécurité dans la région.
La France, alliée du Burkina dans sa lutte contre les djihadistes, a dénoncé, elle, un "carnage innommable, d'une sauvagerie inouïe". "Il s'agit de victimes innocentes d'une lâcheté terroriste", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
"Nous poursuivons les opérations militaires en ce moment même dans la zone des « trois frontières » en étroite coordination avec les armées partenaires, avec la force du G5 Sahel et évidemment avec [la force française] Barkhane", a expliqué le ministre qui se rendra ce vendredi 11 juin à Ouagadougou.
Les auteurs du massacre ne sont cependant pas encore identifiés, selon le ministre français.
Le GSIM, ou Jnim en arabe, est la principale alliance jihadiste au Sahel et est dirigé par le chef touareg malien Iyad Ag Ghaly. Il est responsable de très nombreuses attaques, y compris contre des civils, au Burkina, au Mali et au Niger.
Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, a toutefois nié "totalement toute implication", a rapporté Site, l’organisme spécialisé dans la surveillance des sites internet jihadistes.
La province de Yagha, où est situé le village de Solhan, est toutefois une zone d'action du GSIM, et du groupe Etat Islamique (EI). Rivaux, ils combattent pour le contrôle des territoires et des ressources dans la région.
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Depuis l'occupation en 2012 du Nord du Mali par des djihadistes, le Sahel est progressivement devenu le théâtre d'attaques et d'attentats meurtriers d'une myriade de groupes jihadistes, liés soit à Al-Qaïda soit à l'EI, et implantés dans des zones délaissées par les pouvoirs centraux. Au Burkina Faso, les forces de sécurité peinent à enrayer la spirale de violences terroristes qui ont fait depuis 2015 plus de 1.400 morts et déplacé plus d'un million de personnes.