Cameroun : idées reçues et désinformation freinent la vaccination contre le Covid-19

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Un vaccin de rappel Johnson and Johnson est préparé au centre de vaccination de l'Espoir au Cape Town International Convention Centre au Cap, en Afrique du Sud, le 30 novembre 2021. Au Cameroun, seul 4,1% de la population âgée de plus de 18 ans est vaccinée.
Nardus Engelbrecht (AP)
Mis à jour le
15 décembre 2021 à 13:34
par TV5MONDE Avec AFP
Parmi les pays d'Afrique subsaharienne les plus touchés par le Covid-19, le Cameroun ne parvient pas à faire décoller sa campagne de vaccination. Les Camerounais, nourris aux rumeurs sur les réseaux sociaux, demeurent, en majorité, réticents aux vaccins. Certains vont jusqu'à douter de l'existence du virus. 
Sous un soleil de plomb, deux agents de santé camerounaises, Irène et Lucienne, cherchent à convaincre les passants de se faire vacciner contre le Covid-19. Elles accostent un jeune d'une trentaine d'années, qui oppose une fin de non-recevoir.
"Je n'ai pas confiance au vaccin, déclare d'emblée Ramos. Les Blancs ne nous aiment pas. Ils veulent nous tuer avec des vaccins dans lesquels ils introduisent des produits illicites."

Avec plus de 107.000 contaminations, dont 1.795 décès, le Cameroun figure parmi les pays d'Afrique subsaharienne les plus touchés par le coronavirus. Pourtant, les idées reçues et la désinformation sur les réseaux sociaux freinent la campagne vaccinale.
 
Selon le ministère de la Santé, seul 4,1% de la population âgée de plus de 18 ans est vaccinée depuis que les premières doses ont été administrées il y a sept mois.

Des chiffres très loin de l'objectif affiché de 40%, à cinq semaines de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN) prévue dans le pays.
 

"Les « Européens » veulent nous tuer"

Face à la réticence des Camerounais, le gouvernement a lancé une double campagne de vaccination : une de 5 jours, du 17 au 21 novembre, ciblant toute la population, et une autre d'un mois, du 10 novembre au 10 décembre, à l'intention des fonctionnaires. 

Irène et Lucienne se positionnent dès les premières heures de la journée devant un petit hôpital public d'Odza, un quartier de Yaoundé, où un poste de vaccination a été ouvert.

Son déploiement, en pleine rue, sur une route très fréquentée qui mène à l'aéroport, vise à susciter l'intérêt des passants. Seulement, se désole Lucienne, "très peu" acceptent la proposition. "C'est très difficile de convaincre. Il y a une vraie psychose chez les Camerounais", admet-elle.

La veille, rapporte-t-elle, "une personne a menacé de me donner un coup de poing si je persistais à lui proposer le vaccin".

"L'argument qui revient le plus est celui selon lequel les « Européens » (renvoyant plus globalement aux occidentaux, NDLR) veulent nous tuer", renchérit Irène, sa collègue.

Les deux jeunes femmes cherchent à convaincre une autre passante, Jamiro. Elle décline aussi l'offre de se faire vacciner. "J'ai lu sur internet, et appris aussi dans la rue, que ce vaccin rend stérile", s'inquiète-t-elle.

(Re)voir : Cameroun : l'impossible vaccination contre la Covid-19 ?
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Réseaux sociaux et désinformation

"La réticence des populations résulte de la désinformation à travers les réseaux sociaux", justifie David Messy, agent du Programme élargi de vaccination (PEV, initiative gouvernementale). Certains Camerounais de la diaspora envoient des messages à ceux du pays pour présenter les méfaits supposés de cette vaccination, [alors qu’elle] vaccination protège."

"Le gouvernement encourage fortement et fermement toutes les populations à se faire vacciner", plaide à la Cameroon Radio Television (CRTV), la radio d’État, Manaouda Malachie, ministre de la Santé. "Nous avons suffisamment de doses pour tout le monde", assure-t-il. 
 Mais les autorités doivent faire plus pour convaincre. "Le plus grand défi est la transmission de la bonne information aux populations, qui doivent faire leur choix sur la base des faits et pas simplement d’opinions tirées sur les réseaux sociaux, explique le professeur Yap Boum II, représentant régional d’Epicentre, la section Recherche et épidémiologie de Médecins sans frontières (MSF).Il y a 30 fois moins de décès parmi les personnes vaccinées que chez les personnes non vaccinées."

Existence du Covid-19 remise en cause

"Il faut aller vacciner Paul Biya", le président camerounais, lance dans la rue un vieillard à qui on propose le vaccin.

Contrairement à d'autres pays où les chefs d’État se sont faits vacciner publiquement, au Cameroun, on ne sait pas si le dirigeant, 88 ans, dont 39 au pouvoir, est vacciné ou non.
Sur cette photo d'archives datée du 7 octobre 2018, le président sortant du Cameroun, Paul Biya, attend de voter lors des élections présidentielles à Yaoundé. Contrairement à d'autres pays où les présidents ont été inoculés publiquement, on ne sait pas si Paul Biya a reçu ses doses de vaccin ou non. 
Sur cette photo d'archives datée du 7 octobre 2018, le président sortant du Cameroun, Paul Biya, attend de voter lors des élections présidentielles à Yaoundé. Contrairement à d'autres pays où les présidents ont été inoculés publiquement, on ne sait pas si Paul Biya a reçu ses doses de vaccin ou non. 
Sunday Alamba (AP)
Son premier ministre, Joseph Dion Ngute, et certains de ses ministres ont toutefois pris leur dose face caméra.

Mais certains Camerounais remettent toujours en cause l'existence du virus, jugeant de fait le vaccin inutile. "Le vaccin ne m'intéresse pas parce que je n'ai pas encore vu quelqu'un de malade. Je doute de l'existence de cette maladie", estime ainsi Jeannette Aboudi, 53 ans, vendeuse d'oranges sur le marché de Nfou, petite ville du centre du pays.
 
Andréa, une jeune d'une vingtaine d'années, n'a plus d'hésitations depuis que sa tante a contracté une détresse respiratoire à cause du virus. "Après cela, il a été décidé en famille que tout le monde allait se faire vacciner", souligne-t-elle, précisant avoir pris, il y a peu, sa première dose. 

(Re)voir : Cameroun : des milliards de francs CFA consacrés à la lutte contre le Covid-19 détournés ?
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