A l’occasion de la 7e édition de la Rentrée littéraire du Congo, qui s’est tenue du 19 au 21 septembre dernier, à Brazzaville, la capitale congolaise, l’écrivaine camerouno-congolaise Nicole Mballa s’est vue décerner le prix Jean Malonga 2024, pour son roman Le silence des infortunes, paru en juillet dernier aux éditions Les lettres mouchetées. Portrait.
Intitulé « Le silence des infortunes », le dernier roman de l’écrivaine camerouno-congolaise Nicole Mballa, paru en juillet dernier aux éditions Les lettres mouchetées, doit beaucoup à son amitié avec sa collègue camerounaise Djaïli Amadou Amal, prix Goncourt des lycéens 2020 pour Les impatientes (Emmanuel Collas).
« C’est un roman que j’ai commencé à écrire en décembre 2022. Je venais de rentrer du festival Traversées mauritanides, où j’avais eu le plaisir et le privilège de faire la connaissance de plusieurs auteurs. Pour moi, la rencontre la plus réjouissante fut celle de l’immense Djaïli Amadou Amal, qui, au cours d’un petit-déjeuner, me dira de sa douce voix : Nicole, je pense que tu devrais te mettre au roman. », se souvient-elle aujourd’hui.
L'écrivaine camerouno-congolaise Nicole Mballa, et sa collègue et amie Djaïli Amadou Amal(prix Goncourt des lycéens 2020 pour son roman Les impatientes), lors du festival Traversées mauritanides, à Nouakchott, en Mauritanie, en décembre 2022.
Une longue conversation que n’a pas oublié Djaïli Amadou Amal, qui nous a confié par ailleurs qu’il s’agissait de leur première rencontre. « Jusque-là, précise-t-elle, nous ne nous connaissions que grâce aux réseaux sociaux, en particulier Facebook, où elle était toujours la première à féliciter les autres, à les encourager. C’est une femme sensible, toujours souriante. Quand elle parle de littérature, ses yeux s’illuminent. »
Après Les calebasses brisées, paru en 2016, chez L’Harmattan, et dans lequel elle pose un regard critique sur la place des femmes dans certains pays africains, Nicole Mballa fait une pause de plusieurs années et plonge avec passion dans l’univers de la poésie. Elle était comme « possédée par une sensibilité poétique », affirme-t-elle. Son deuxième recueil de poèmes L’étoile est ma demeure (2020), lui a même valu, en 2023, le prix Tchicaya U’Tamsi de poésie.
Avec Le silence des infortunes, Nicole Mballa ne renoue pas seulement avec le roman, mais aussi avec sa volonté de dépeindre la complexité du quotidien des Hommes. « Les thèmes que j’aborde dans mes nouvelles, dans mes poèmes et bien sûr le roman, sont une réflexion constante sur la beauté, le mal et le temps ; une perception cyclique de la vie qui se double de l’appréhension physique du monde. Tous mes personnages affrontent des monstres intérieurs ou extérieurs. Tous cherchent la vraie lumière. Celle qui jaillit de la nuit. », souligne-t-elle.
Inspiré du combat du combat dans les années 1990 d’une entreprise camerounaise face à un géant de l’agroalimentaire, Le silence des infortunes se penche la mondialisation et le cynisme d’un capitalisme capable d’anéantir des vies humaines au lieu de servir l’intérêt général.
Dans ce roman crépusculaire, l’auteure nous plonge dans les méandres des destins entremêlés des habitants de Bonabel, une contrée subsaharienne où les populations vont être ruinées par le rouleau compresseur d’une multinationale agroalimentaire. Outre les traumatismes liés aux faillites industrielles, Nicole Mballa explore également les réalités de la prostitution et de l’homosexualité.
Née à Witzenhausen, en République fédérale d’Allemagne, de parents camerounais – père ingénieur agronome et mère secrétaire -, Nicole Mballa est encore collégienne, à Yaoundé, la capitale camerounaise, lorsqu’elle écrit ses premiers poèmes. « La poésie sert à exprimer ce qu’il y a dans les tréfonds de mon être. La poésie, c’est l’histoire et l’émotion qui éclatent sur le papier. », affirme-t-elle aujourd’hui.
Photo d'archive de Nicole Mballa, dans la poussette, peu après sa naissance, en compagnie de sa mère et ses deux grandes soeurs dans les rues de Witzenhausen, en République fédérale d’Allemagne.
Elle doit à ses parents son amour de la lecture et de la langue française. « Adolescente au Cameroun, j’étais abonnée à la bibliothèque de l’institut français, nous avoue-t-elle. Je m’y rendais tous les jeudis après-midi. Ma mère nous achetait des BD comme Kouakou et Calao. Ainsi, j’ai découvert très tôt le plaisir de posséder et de lire des livres. Aujourd’hui encore j’aime aller dans une librairie et parfois même à la librairie par terre. J’ai un budget de livres. »
Après l’obtention de son baccalauréat, c’est donc tout naturellement que la jeune Nicole Mballa s’oriente vers les métiers basés sur l’écriture. « Selon moi, souligne-t-elle à cet égard, l’écriture est l’un des moyens d’accéder à la vérité du monde. »
Sur cette photo d'archive , la jeune journaliste Nicole Mballa, au centre, pose aux côtés de feue Christiane Pierre (responsable de la publicité) et son mentor, feu Michel de Breteuil, ex-directeur de publication du magazine panafricain Amina, en 1994, à Paris, au siège de l'ancienne compagnie aérienne Air Afrique.
Nicole Mballa étudie donc la communication et le journalisme, en France d’abord, puis au Japon ensuite, avant de collaborer à Forbes Magazine, Daily Yomiuri Japan, ainsi qu’au magazine féminin et panafricain Amina. Titulaire d’un MBA de l’école de commerce de Paris, elle travaille actuellement au sein d’une entreprise à Pointe-Noire, au Congo, et continue néanmoins de faire des piges pour Amina.
La littérature apparaît toutefois comme une constante et un élément structurant de la vie de Nicole Mballa. Et si elle écrit notamment sur le Cameroun et le Congo Brazzaville, c’est l’ensemble du continent africain qui constitue pour elle une source inépuisable d’inspiration. « Si j’ai quitté mon pays, je n’ai pas l’impression d’être en terre étrangère au Congo. Le Cameroun et le Congo sont dans la même sphère culturelle. Nous avons des langues en partage. Je suis d’ici où j’ai ma famille et de là-bas mon pays d’origine. », avoue-t-elle.
Du 19 au 21 septembre dernier, à Brazzaville, la capitale congolaise, s’est déroulée la 7e édition de la Rentrée littéraire du Congo (RELICO) sur le thème : « Ouvrir un livre, le lire est un droit ». Durant ces trois jours, la trentaine d’écrivains invités cette année a échangé entre eux et avec le public. La Rentrée littéraire du Congo est organisée par l’association Le Pen Centre Congo Brazzaville, en partenariat avec la librairie Les manguiers, le groupe de presse Les Dépêches de Brazzaville et l’association Culture Elongo Prix des cinq continents. Créé en 2019 par les organisateurs du RELICO, le prix Jean Malonga, du nom de l’un des premiers romanciers congolais, auteur de Cœur d’aryenne (Présence africaine, 1954), le prix Jean Malonga est décerné chaque année aux personnes physiques ou morales qui subliment les lettres congolaises.