Face à l'urgence de la situation liée à la pandémie de coronavirus, les ministres des Finances des pays du G20 se sont accordés ce mercredi 15 avril sur un moratoire d'un an sur la dette de 76 pays les plus pauvres de la planète, dont quarante pays d'Afrique subsaharienne. Ce moratoire est jugé "indispensable" par Emmanuel Macron qui plaide pour une annulation "massive" de la dette africaine. Mais comment cela se décide-t-il ? Quels mécanismes peuvent être mis en place ? Des experts nous répondent.
En 2020, ces pays doivent rembourser, tous les ans, un total de 32 milliards de dollars, selon les chiffres de la Banque mondiale. Paris demandait pour sa part un moratoire au niveau des créanciers bilatéraux (État à État, à hauteur de 12 milliards de dollars) et privés (8 milliards de dollars), pour un total de vingt milliards de dollars. Une demande acceptée par le G7, réuni en visioconférence mardi 14 avril, et validée définitivement par le G20, le lendemain.
Interrogé par TV5MONDE, l'OCDE estime que ce moratoire est "insuffisant". Pour Federico Bonaglia, directeur adjoint du Centre de développement de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), il s'agit seulement d'un "premier pas".
Lundi 13 avril, Emmanuel Macron s'adresse aux Français confinés depuis quatre semaines et déclare : "Nous devons savoir aider nos voisins d'Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette".
Un vœu du président de la République française salué par son homologue sénégalais, Macky Sall, qui l'a aussitôt remercié de cette "marque de solidarité internationale".
Notre proposition allant dans le sens d'une annulation de la dette, soutenue par la déclaration commune africaine, a également été accueillie favorablement par la France. Je remercie le Président @EmmanuelMacron pour cette marque de solidarité internationale.
— Macky Sall (@Macky_Sall) April 13, 2020
Le soutien de Pékin est indispensable. Le Ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a déjà fait savoir que la Chine soutenait l'approche française. C'est une avancée majeure car le pays est le principal bailleur de fonds de l'Afrique. "Pékin prête à des taux d'intérêt en général plus faibles que celui des autres prêteurs, voire nuls", précise l'économiste Jean-Marc Siroën, auteur de "Mondialisation à la dérive. Europe sans boussole."
La contrepartie de ces taux défiant toute concurrence ce sont "des engagements forts des gouvernements en matière d'importations en provenance de Chine, en garantie d'approvisionnement de la Chine en matières premières et l'acquisition d'actifs (infrastructure, gisements miniers...)".
Quant à savoir si on peut annuler purement et simplement la dette africaine la réponse est complexe. Pour les deux tiers de la dette, on l'a compris, il s'agit du bon vouloir des pays souverains et des institutions mais pour le tiers restant (les investisseurs privés) : "On ne négocie pas avec les marchés", rappelle Jean-Marc Siroën. Lorsque le FMI avait décidé d'effacer la dette d'une quinzaine de pays africains en 2006, le rapport n'était pas le même. Depuis, la part des investisseurs privés en Afrique a explosé ces dernières années.
Pour François Bourguignon ce qui compte dans l'immédiat c'est de transférer des moyens de paiement aux pays africains. "Le vrai problème c'est de trouver pour ces pays-là des facilités de paiement rapidement. En cela la proposition de la Commission européenne de débloquer 15 milliards d'euros pour aider les pays les plus vulnérables face à l'épidémie du Covid-19 semble être la meilleure solution", conclut-il.