Côte d'Ivoire : les jeunes militants politiques attendent leur tour dans une arène dominée par leurs aînés

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Côte d'Ivoire : les jeunes militants politiques attendent leur tour dans une arène dominée par leurs aînés (1)
Mis à jour le
26 juin 2025 à 06:40
par TV5MONDE

Un président âgé de 83 ans, un prédécesseur et rival historique de 80 ans et une figure de l'opposition aux ambitions présidentielles de 62 ans... "On doit être patient", reconnaissent les jeunes Ivoiriens engagés dans des partis politiques.

En Côte d'Ivoire, où une élection présidentielle est prévue fin octobre, 75,6% de la population, soit 22 millions de personnes, a moins de 35 ans - l'âge minimum pour être candidat à ce scrutin. Mais le pays "est politiquement une gérontocratie, les partis sont dirigés généralement par des personnes du troisième âge", affirme le politologue Geoffroy Kouao.

 

Dans l'imaginaire populaire, la jeunesse est synonyme d'immaturité politique, les dirigeants ne lui font pas confiance.  

Geoffroy Kouao, politologue 

Mylène Amary Kacou, 32 ans, vice-présidente des jeunes du Parti des peuples africains - Côte d'Ivoire (PPA-CI), la formation de l'ancien président et opposant Laurent Gabgbo, évoque un biais culturel: 

En Afrique, on dit que l'aîné a toujours raison. 

Mylène Amary Kacou, 32 ans, vice-présidente des jeunes du Parti des peuples africains - Côte d'Ivoire (PPA-CI)

Les deux grandes figures de la politique ivoirienne, l'actuel président Alassane Ouattara qui pourrait briguer un nouveau mandat en octobre, et son prédécesseur Laurent Gbagbo, candidat déclaré mais inéligible, sont tous deux octogénaires et occupent la scène depuis plus de trente ans.

Au gouvernement, le ministre de la Jeunesse Mamadou Touré (49 ans) est le seul à avoir moins de 50 ans, et Tidjane Thiam, chef de la principale formation d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) incarne à 62 ans une "nouvelle génération". 

Mais quel que soit leur camp, les responsables de jeunesse interrogés disent aimer "apprendre" de leurs aînés expérimentés et participer aux réunions importantes de leur parti.

Parmi eux, le chef de la jeunesse urbaine du principal parti d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Valentin Kouassi, 40 ans, estime toutefois qu'"on ne fait pas de politique sans avoir d'ambitions".

Tous affirment d'ailleurs, timidement, que leur fonction est un tremplin pour leur carrière politique.

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Présidente "dans 30 ans"

"Je veux gravir les échelons mais je ne mets pas au devant mes ambitions personnelles", confie Mamadou Koné, 36 ans, chef de la jeunesse du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) et conseiller technique au ministère de la Jeunesse.

"Ministre ou présidente de la République, pourquoi pas ?", songe Mylène Amary Kacou, "mais dans 25 ou 30 ans".

A 29 ans, Issouf Olivier Traoré, secrétaire national de la jeunesse d'Aujourd'hui et demain la Côte d'Ivoire (ADCI, mouvement d'opposition), a lui été candidat aux élections municipales et législatives de 2023 dans la commune d'Anyama, à Abidjan, arrachant 2% des voix face à un candidat du pouvoir.

A ceux qui reprochent aux jeunes de ne pas s'intéresser à la politique, il répond avoir été "soutenu par sa génération, prête à s'engager si l'un des siens accepte le challenge" de se présenter.

Lorsqu'ils imaginent l'avenir, les jeunes de l'opposition ont des idées similaires. Leur première préoccupation: le taux de chômage.

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Officiellement à 2,3%, il est à nuancer avec la part du secteur informel qui représente l'écrasante majorité des emplois, 88,4% selon la Banque africaine de développement (BAD).

Autre enjeu: "faire en sorte que le pays soit le plus démocratique possible", souhaite Valentin Kouassi, à l'heure où son candidat, Tidjane Thiam, 62 ans, a été exclu de la course à la présidence par la justice pour une question de nationalité. 

Face à l'opposition qui dénonce une manoeuvre politique, le gouvernement nie toute intervention dans les décisions juridiques. Enfin, chaque parti espère assister à une "alternance pacifique du pouvoir", comme l'évoque Issouf Olivier Traoré.

Dans ce pays à l'histoire politique jonchée de crises meurtrières en périodes électorales, "nous les jeunes, on a envie de voir ça", exprime-t-il.

En attendant de voir leur carrière décoller et à quatre mois de l'élection présidentielle, ces responsables de jeunesse soutiennent leur chef, qu'il soit au pouvoir ou opposant, éligible ou exclu du scrutin.

Un geste de "reconnaissance" disent-ils, sans oublier leurs aspirations personnelles.

(Re)voir : Côte d'Ivoire : l'Union africaine prône la stabilité électorale