Les Etats ouest-africains se sont réunis vendredi 28 janvier lors d'un sommet virtuel pour décider de sanctions à l'encontre de la junte du Burkina Faso. Elle est arrivée au pouvoir par un coup d'Etat militaire lundi, et a appelé ses partenaires internationaux à collaborer avec elle. Le Burkina Faso est suspendu de l'organisation, sans autres sanctions immédiates.
Le Burkina Faso, où un coup d'État s'est produit lundi 24 janvier, a été suspendu vendredi 28 de la Communauté des États ouest africains (Cédéao) à l'issue d'un sommet virtuel de cette organisation. Elle n'a pour l'instant pas décidé d'autres sanctions.
Dans son communiqué, la Cédéao "condamne fermement ce coup d'État et exprime sa profonde préoccupation face à la résurgence des putschs militaires dans la région". Elle défend une "tolérance zéro" vis-à-vis des prises de pouvoir anticonstitutionnelles, et "exige la libération immédiate" du président Roch Marc Christian Kaboré.
Communiqué final du Sommet Extraordinaire de la Conférence Des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO sur la Situation Politique au Burkina Faso pic.twitter.com/tCSMPDb5nR
— ECOWAS-CEDEAO (@ecowas_cedeao) January 28, 2022
Le sommet virtuel, qui a duré environ trois heures, a en outre décidé de l'envoi samedi 29 à Ouagadougou d'une mission des chefs d'état-major des armées de la Cédeao, qui sera suivie lundi d'une mission ministérielle.
La Cédéao, qui a demandé la libération du président renversé Roch Marc Christian Kaboré, placé en résidence surveillée, ainsi que des autres officiels arrêtés, tiendra un nouveau sommet le 3 février à Accra, en présence cette fois des chefs d'Etat de la région, selon une source s'exprimant sous couvert de l'anonymat à l'AFP.
Le sommet du 3 février à Accra étudiera le compte-rendu de ces missions pour décider d'imposer ou non d'autres sanctions, comme il l'a fait pour le Mali et la Guinée où des militaires ont également pris le pouvoir.
Dans sa première allocution depuis sa prise de pouvoir lundi, le nouvel homme fort du Burkina, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a estimé jeudi soir à la télévision nationale que son pays avait "plus que jamais besoin de ses partenaires".
Disant comprendre les "doutes légitimes" suscités par le coup d'Etat, il a assuré que le Burkina "continuera à respecter les engagements internationaux, notamment en ce qui concerne le respect les droits de l'Homme", précisant que l'indépendance de la justice serait aussi "assurée".
Le lieutenant-colonel Damiba s'est engagé "au retour à une vie constitutionnelle normale", "lorsque les conditions seront réunies", sans préciser d'agenda.
Le chef de la junte a assuré que la "sécurité" était sa priorité à la tête de ce pays endeuillé quasi quotidiennement par des attaques jihadistes meurtrières.
La télévision a cependant annoncé jeudi soir un allègement du couvre-feu mis en place lundi: de 21h (locales et GMT) à 05h, il passe de minuit à 04h.
La population reprochait notamment au président renversé, Roch March Christian Kaboré, de ne pas avoir réussi à endiguer la dégradation sécuritaire depuis 2015, notamment dans le nord et l'est du pays.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait plus de 2.000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
Depuis sa prise de pouvoir, M. Damiba a consulté les ministres renversés ainsi que les syndicats.
Aux anciens ministres, il a demandé de ne pas quitter le Burkina sauf autorisation. Aux syndicats, il a promis de les consulter et de les impliquer dans la transition.
Dans son allocution télévisée, il a assuré vouloir associer toutes les "forces vives" de la nation pour "une feuille de route" en vue de redresser le Burkina Faso.
Plusieurs organisations semblent enclines à travailler avec lui.
"Nous avons intérêt à ce que cette armée réussisse à stabiliser le pays", affirme l'association Sauvons le Burkina Faso qui réclamait ardemment la démission de M. Kaboré.
Plusieurs partis d'opposition à M. Kaboré dont le plus important, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) proche de Blaise Compaoré - ex-président chassé par la rue en 2014 après 27 ans de pouvoir - ont également marqué "leur disponibilité à apprécier la vision qui leur sera soumise" par la junte.
La question de l'avenir de M. Kaboré devrait également se poser prochainement.
En résidence surveillée, il est en bonne santé selon plusieurs sources et a un médecin à sa disposition. Jeudi soir, le chef de la junte n'a pas prononcé son nom.
Il a en revanche conclu son discours par une devise bien connue des Burkinabè, celle du pays sous l'ancien président Thomas Sankara: "la Patrie ou la mort, nous vaincrons".
Leader progressiste et icône panafricaine, Thomas Sankara a été tué en 1987 par un coup d'Etat fomenté par des proches, dont Blaise Compaoré qui avait pris le pouvoir.
Le procès de ses assassins, commencé en octobre 2021, mais mis en pause par le putsch, reprendra lundi.