Le pouvoir militaire au Mali procède à un verrouillage total de la situation politique. Au lendemain de la suspension des activités des partis et associations politiques, les médias se voient imposer l'interdiction de traiter de ces sujets à partir du jeudi 11 avril.
En Une du quotidien gouvernemental malien L'Essor, la politique nationale fait les gros titres. "Le président Goïta appelle à une forte participation au dialogue inter-maliens", met en avant le journal. Dans les pages intérieures, le communiqué du conseil des ministres est relayé.
Mais l'information cruciale à retenir est que les activités des partis politiques et associations à caractère politique sont "suspendues jusqu'à nouvel ordre". "C'est une mesure impersonnelle qui ne vise aucun parti en particulier" selon le colonel Maïga, porte-parole du gouvernement cité par L'Essor. "Pour lui, il s'agit plus précisément de maintenir un climat de sérénité pour la tenue du Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale. En un mot, la mesure vise à préserver l'ordre public", commente cette publication gouvernementale.
La Haute Autorité de la Communication (HAC) s'est aussi exprimé et "invite tous les médias (radios, télés, journaux écrits et en ligne) à arrêter toute diffusion et publication des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations" rapporte le journal qui publie sur son site l'intégralité du communiqué de la HAC.
Pour le site malien d'informations Maliweb, "cette mesure de la HAC crée de l’émoi au sein de l’espace médiatique au Mali. Cette fermeture des desks politiques va créer un immense vide informationnel et sèvrera le public du débat démocratique à un moment crucial de la vie de la nation malienne", constate un journaliste politique d’un grand quotidien.
Le Journal privé L'Indépendant du 11 avril consacre sa Une à la suspension de tous les partis politiques au Mali. Conscient du resserrement de la liberté de la presse qui est en train de se produire, le quotidien se distingue par son éditorial intitulé "Dangereuse fuite en avant". "Elle constitue leur réponse inattendue au constat de 'fin de transition' posé le 26 mars dernier par des acteurs politiques et sociaux parmi les plus représentatifs du pays et leur exigence de la tenue des discussions urgentes pour arrêter un troisième et ultime calendrier électoral pour le retour à l'ordre constitutionnel", écrit le journaliste Saoudi Haidara qui signe cet édito.
Voir Mali : polémique autour de la durée de la transition
Pour L'Indépendant, "la peur [qui] s'installe chez les vrais maîtres du pays face à la 'mobilisation' annoncée de la classe politique et des organisations de la société civile dans un contexte de pourrissement social (délestages d'électricité, cherté de la vie, chômage etc.) propice à tous les dérapages".
La "dérive autoritaire" du pouvoir malien "aura une double conséquence dans un délai rapproché, commente en conclusion le journal. La première est que les parti politiques et associations victimes vont s'organiser davantage pour résister au pouvoir en place. la deuxième est l'accentuation de la campagne de discrédit contre la transition malienne à l'échelle planétaire, entraînant plus d'isolement, plus de désinvestissement, plus de pauvreté. Jusqu'à quand ?"
Publié en en intégralité en manchette de Une, le texte est signé par l'éditorialiste politique Saoudi Haidara. Un bras de fer s'engage alors.
Dans le communiqué daté du 11 avril, la Maison de la Presse, après concertation des organisations faîtières réunies à son siège, "appelle l'ensemble de la presse malienne à ne pas se soumettre aux injonctions de la HAC et invite ses médias à rester debout, unis et mobilisés pour la défense du droit du citoyen à l'information". Et cette organisation de se réserver "le droit de mener toute action pour le respect de la liberté de la presse au Mali".