Des groupes séparatistes touareg ont annoncé la création du Front de Libération de l'Azawad (FLA) le 30 novembre. Le FLA succède à une précédente coalition de groupes séparatistes luttant pour l'indépendance contre le pouvoir central à Bamako. Basé à Tinzaouatène, près de la frontière algérienne, le FLA a été immédiatement la cible de frappes de l'armée malienne. Que sait-on du FLA ?
Créé le 30 novembre 2024, le Front de Libération de l'Azawad (FLA) représente le nouveau nom d'une coalition de groupes armés séparatistes à dominante touareg du Nord Mali.
Ils ont pour objectif la création d'un État indépendant. Ils appellent ainsi à la "libération de l'Azawad", nom donné par les Touareg au territoire revendiqué du Nord du Mali après l'indépendance.
Il faut placer la création du Front de Libération de l'Azawad dans le contexte de la rupture de l'accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger
Seidik Abba, journaliste et spécialiste du Sahel
Quelques heures après la création du FLA, 8 membres de cette coalition dont un responsable ont été tués dans des frappes de drones, de fabrication turque, de l'armée malienne près de Tinzaouatène, le 1er décembre. L'État malien considère les séparatistes touareg comme des terroristes au même titre que les groupes djihadistes qu'il combat.
Contexte de guerre au Mali
Depuis 2012, le Mali est confronté à des violences armées à la suite d'une rébellion des séparatistes touareg du Nord du Mali et des groupes djihadistes qui les ont ensuite supplantés.
Des années de guerre et de violences s'ensuivent et s'étendent aux pays voisins avec l'expansion des groupes djihadistes, l'intervention des forces armées africaines et étrangères, notamment de l'armée française et des Casques bleus de la Minusma.
L'accord de paix d'Alger signé en 2015 entre le pouvoir central malien et les groupes armés touareg séparatistes ou loyalistes envers Bamako, ne réussira jamais à s'appliquer durablement sur le terrain.
Après l'arrivée au pouvoir des militaires maliens lors de coup d'État en 2020 à Bamako, le Mali a exigé le départ des armées étrangères et s'est tourné vers la Russie et son groupe paramilitaire Wagner lors de la reconquête du territoire du Nord Mali. Depuis 2023, les combats ont repris entre les séparatistes touareg et l'armée malienne ainsi que le groupe paramilitaire Wagner.
"Il faut placer la création du Front de Libération de l'Azawad dans le contexte de la rupture de l'accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger, souligne le journaliste Seidik Abba, spécialiste du Sahel, auteur de Mali-Sahel, notre Afghanistan à nous, (Impacts Editions, 2022). Le gouvernement malien a dénoncé l'accord d'Alger en janvier 2024 et a proposé de le remplacer par un dialogue intermalien. Ce dialogue a eu lieu, mais il n'a pas réuni l'ensemble des composantes. Pour une partie des anciens signataires des accords d'Alger, il n'y a plus aucune autre option que la lutte armée."
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L'annonce de la création du FLA a été faite depuis leur fief de Tinzaouatène, près de la frontière algérienne, par les responsables du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l'Azawad (CSP-DPA). Cette alliance de groupes armés séparatistes à dominante touareg créée en mai 2024, a organisé une rencontre fin novembre (du 26 au 30). Elle cède désormais la place au FLA.
À l'origine de la création du FLA se trouve des groupes armés membres de la coalition du CSP-DPA, dont le HCUA (Haut conseil pour l'unité de l'Azawad) et le MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad). Ces groupes sont désormais dissous. En lutte contre le pouvoir central de Bamako, ils combattaient l'armée malienne (Fama) et ses alliés russes du Groupe Wagner.
La naissance du FLA réduit quelque peu le nombre de groupes armés touareg du Nord Mali. Elle témoigne aussi d'une clarification au sein de ces nombreux groupes qui ont pu s'allier ou se combattre les uns les autres. Dans l'accord d'Alger de 2015, les groupes armés touareg signataires se partageaient en deux coalitions : celle d'ex-rebelles de la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA) et celle de combattants pro-gouvernementaux de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (Plateforme).
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À présent, le nouveau Front de Libération de l'Azawad (FLA) comprend aussi des membres de groupes loyalistes au pouvoir central de Bamako. Il s'agit notamment de factions rebelles du Gatia (Groupe d'autodéfense touareg imghad et alliés) et du MAA (Mouvement arabe de l'Azawad). Désormais, tous font le choix de combattre l'État central malien.
"Le FLA place la barre très haut
Seidik Abba, journaliste et spécialiste du Sahel
Les indépendantistes touareg ont perdu de nombreuses localités du Nord Mali face à la reconquête du territoire par les Fama et leurs alliés qui a culminé par la reprise de Kidal, en novembre 2023, jusque-là bastion des indépendantistes. Repliés sur Tinzaouatène, ces derniers ont néanmoins infligé des pertes importantes à l'armée malienne et au Groupe Wagner lors de combats fin juillet 2024.
Le Front de Libération de l'Azawad a pour revendication non pas de revenir à l'accord d'Alger, mais d'obtenir plus, c'est à dire l'indépendance totale de l'Azawad. "Le FLA place la barre très haut, commente Seidik Abba. Il est possible que cette surenchère d'indépendance évolue ensuite vers une négociation d'une autonomie ou d'une fédération. En tout cas, leur projet est de mener une lutte armée pour obtenir ce que l'accord d'Alger n'avait pas permis d'obtenir, puisque l'accord d'Alger ne consacre pas l'indépendance des régions du Nord Mali mais leur reconnaît un statut à part."
Le FLA s'engage aussi à "protéger les populations civiles". Ces dernières sont victimes des affrontements entre rebelles touareg indépendantistes, groupes djihadistes et les Forces armées maliennes (Fama) avec leurs alliés russes du Groupe Wagner, mais aussi de milices communautaires. Des massacres ont été perpétrées contre des populations civiles.
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Reste que au-delà de la lutte armée, le combat des séparatistes touareg se joue aussi au niveau politique et diplomatique. Basé à Tinzaouatène, près de la frontière algérienne, le FLA fait peut-être le pari de trouver des soutiens extérieurs. "Avec les mauvaises relations entre la France et le Mali et les rivalités entre l'Ukraine et la Russie au Sahel, les séparatistes touareg se disent qu'il y a une opportunité pour faire avancer l'agenda de l'indépendance de l'Azawad", analyse Seidik Abba. Un pari risqué, selon cet expert. "Le contexte n'est pas très favorable à une telle aventure"
Azawad : Alliances et mésalliances entre groupes armés touareg
1er décembre 2024 : huit membres du Front de Libération de l'Azawad (FLA) tués à Tinzaouatène dans des frappes de drones par l'armée malienne.
30 novembre 2024 : création du Front de Libération de l'Azawad (FLA) à Tinzaouatène près de la frontière algérienne. Quelques heures après, 8 membres du FLA sont tués dans des frappes de drones à Tinzaouatène.
22-27 juillet 2024 : combats à Tinzaouatène entre la coalition séparatiste touarègue CSP-DPA et l'armée malienne (Fama) ainsi que groupe Wagner. Ces derniers subissent des pertes importantes.
2 mai 2024 : annonce de la création du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l'Azawad (CSP-DPA), présidée par Bilal Ag Acherif, une figure des indépendantistes et adversaire historique du gouvernement central. Annonce faite par le CSP-PSD
novembre 2023 : reprise par l'armée malienne de Kidal, bastion des indépendantistes touareg
26 septembre 2023 : La Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d'Alger (Plateforme) quitte le CSP-PSD car elle s'oppose à une confrontation avec l'État malien qu'elle soutient.
6 mai 2021 : Création du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) réunissant la Plateforme et la CMA, deux coalitions touareg qui marquent ainsi leur réconciliation.
Juillet 2017 : affrontements entre la CMA et la Plateforme à Kidal
Accord d'Alger de 2015 : L'Accord pour la paix et réconciliation de 2015 signé à Alger par l'État malien et les groupes armés du Nord du Mali pro-gouvernementaux de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (Plateforme) et ceux réunis au sein de la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA) qui ont combattu l'armée malienne.