Au Maroc de nombreuses manifestations de soutien à la Palestine se sont tenues depuis l’importante escalade des tensions avec Israël le 7 octobre. Pourtant, le gouvernement du pays ne s’est que peu exprimé sur la question. Comment l’expliquer ?
Le 17 octobre, des centaines de manifestants se sont rassemblés près du consulat américain à Casablanca pour dénoncer le soutien de Washington à Israël dans son offensive contre Gaza. Quelques jours plus tôt, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Rabat en solidarité avec les Palestiniens.
Cependant, le gouvernement marocain se fait plutôt discret. Le 17 octobre, il a “fermement” condamné “le bombardement par les forces israéliennes de l’hôpital “Al Maamadani” dans la bande de Gaza”, indique le ministère des Affaires étrangères. Il s’agit de la première fois depuis le 7 octobre que Rabat pointe du doigt Israël.
David Rigoulet-Roze est chercheur associé à l’IRIS, spécialisé sur la région du Moyen-Orient et plus particulièrement la péninsule Arabique. Selon lui, le gouvernement marocain reste prudent car il n’est pas dans son intérêt de ternir les relations avec Israël, compte tenu de leur récente normalisation. Cependant, il doit aussi composer avec une opinion publique favorable à la cause palestinienne.
TV5MONDE : Comment se positionne le gouvernement du Maroc vis-à-vis de l’escalade des tensions entre Israël et la Palestine ?
David Rigoulet-Roze :
Il y aurait encore près de 3 000 Juifs dans le royaume chérifien et quelque 700 000 Israéliens seraient d'ascendance marocaine et auraient gardé des liens forts avec leur pays d'origine.
David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS
Le Maroc doit faire le grand écart, car il ne veut pas revenir sur la normalisation de ses relations avec Israël. Mais évidemment il est obligé de tenir compte de sa population.
TV5MONDE : Pourquoi le Maroc a normalisé ses relations avec Israël en 2020 ?
David Rigoulet-Roze : Il a effectué cette "normalisation" dans le prolongement de la dynamique née des "accords d'Abraham" initiée par les "normalisations" de Bahreïn et des Emirats Arabes Unis en septembre 2020. Un des éléments qui a accéléré cette dynamique a résidé dans la reconnaissance officielle par Washington de la "marocanité" du Sahara occidental. Une reconnaissance faite également par Israël mi-juillet 2023 pour consolider cette "normalisation".
Aujourd'hui, il paraît peu probable que le Maroc la remette radicalement en cause compte tenu des intérêts stratégiques qui l'avaient motivée. Mais une prise de distance publique est jugée inévitable pour ménager la charge émotionnelle qui s'exprime dans la population sur cette question palestinienne.