Niger : l'armée française amorce son retrait

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Niger : l'armée française amorce son retrait (1)
(Photo AP/Jérôme Delay)
Mis à jour le
5 octobre 2023 à 15:53
par TV5MONDE

Les troupes françaises déployées au Niger vont amorcer leur retrait du pays "dans la semaine", dans un contexte de relations toujours tendues avec le régime militaire issu du coup d'État du 26 juillet, a-t-on appris ce jeudi 5 octobre, auprès de l'état-major des armées.

"Nous allons lancer l'opération de désengagement dans la semaine, en bon ordre, en sécurité et en coordination avec les Nigériens", a indiqué l'état-major.

Le président français Emmanuel Macron avait annoncé le 24 septembre la fin de la coopération militaire avec le Niger et le départ progressif des 1.400 militaires français présents dans le pays sahélien, "d'ici la fin de l'année", se conformant ainsi à la volonté des nouvelles autorités ayant renversé le président Mohamed Bazoum, qui ont dénoncé les accords de défense liant Niamey à Paris.

"Nous ferons ce qui est planifié, cela se déroulera conformément à la planification", assure l'état-major français, alors que le régime militaire a accusé la France de ne pas être "dans une logique de quitter le Niger" et semble peu encline à laisser manoeuvrer librement les militaires en partance.

Lutte contre le djihadisme

Quelque 1.000 soldats et aviateurs français sont déployés sur la base aérienne française de Niamey et 400 à Ouallam et Ayorou (nord-ouest), aux côtés des Nigériens, dans la zone dite des "trois frontières" entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, sanctuaire du groupe État islamique.
 
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Les militaires déployés sur les bases avancées devraient être les premiers à se désengager. Un schéma similaire à celui du Mali, où le retrait français avait commencé par les trois emprises les plus au nord du pays.
 

Opération logistique complexe

"Nous prenons les dispositions pour assurer la sécurité des gens engagés dans la manoeuvre", a précisé l'état-major, en particulier sur la route qui relie les bases avancées à la capitale, ce qui pourrait nécessiter un appui aérien, sur fond de dégradation sécuritaire dans le pays après plusieurs attaques ayant fait des dizaines de morts.

L'opération s'annonce complexe. Le Niger servait depuis 2013 de plateforme de transit pour les opérations antiterroristes menées au Mali, avant de devenir le coeur du dispositif français dans la région après le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso, depuis l'été 2022.

La fin d'une incertitude

Pour les militaires, ce retrait exigé par la junte met fin à une situation incertaine depuis deux mois, avec des ravitaillements aléatoires et des manifestations antifrançaises régulièrement organisées devant leurs portes à Niamey.

À Niamey, l'enceinte française, située au sein d'une emprise nigérienne, accueille des centaines de bureaux en préfabriqués, des hangars et abris modulaires pour les aéronefs, des tentes sur la base de vie, des cabines de pilotage pour les drones, des bulldozers.

Après la conclusion d'un partenariat de combat à la demande du Niger, la France avait étoffé sa présence dans la capitale avec des blindés et des hélicoptères, venus renforcer les cinq drones Reaper et au moins trois avions de chasse.

L'évacuation de matériel lourd

Les destinations des matériels ne sont pas encore arrêtées et plusieurs options sont évoquées: le territoire national en priorité, le Tchad voisin qui accueille l'état-major des forces françaises au Sahel, ou encore d'autres théâtres.

Les militaires n'ont pas d'autre choix que d'utiliser la voie terrestre, soit par le Bénin - une option que refuse le régime militaire nigérien - soit vers le Tchad, ce qui impliquerait ensuite d'acheminer les containers rentrant en France vers le port de Douala, au Cameroun, selon une source proche du dossier.

Au Mali, le désengagement avait mobilisé 400 logisticiens envoyés en renfort. Pour le démantèlement de Gao, la plus grande emprise française du pays, 6.000 containers avaient été nécessaires. 

L'option d'un pont aérien semble compromise pour l'heure car jusqu'à nouvel ordre, les Nigériens interdisent le survol de leur territoire par des avions français.

Médiation algérienne

De son côté, le Nigeria a salué la future médiation de l'Algérie qui présentera au régime nigérien une proposition de transition de six mois.

Après l'annonce par le chef du régime militaire - le général Abdourahamane Tiani - d'une transition d'une durée maximum de trois ans, l'Algérie voisine avait suggéré un plan détaillé pour une sortie de crise.

Le Nigeria, qui assure la présidence tournante de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), a également réaffirmé la position de cette organisation à propos du régime militaire.

"Nous sommes contre cette prise de pouvoir par des militaires au Niger, et nous insistons pour que le président Bazoum, qui est le président élu du Niger, soit libéré", a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, dans une interview à France 24 diffusée ce 5 octobre.

Depuis le 26 juillet, Mohamed Bazoum est séquestré dans sa résidence présidentielle avec sa femme et son fils.

Le ministre a rappelé que la Cedeao menace toujours le Niger d'une intervention armée, même si celle-ci n'est pas "l'option préférée". Une option à laquelle s'oppose l'Algérie.