De son vivant, l'influent pasteur nigérian TB Joshua était suivi par des milliers d'adeptes dans son pays et à l'étranger, qui se pressaient pour assister à ses miracles.
Mais le télévangélique chrétien, décédé subitement à l'âge de 57 ans en 2021, est également accusé d'actes de torture, d’agressions sexuelles, de viols et d'escroquerie.
Aujourd'hui, son église évangélique, la Synagogue Church of All Nations (Scoan), située à Lagos, la capitale économique du pays et ville la plus peuplée du continent, est à nouveau visée par des accusations d'abus pendant qu'il y officiait.
Dans une série de vidéos et d’articles publiés en janvier, la BBC a fourni plus de vingt témoignages d’anciens fidèles de la Scoan faisant état des abus et des miracles simulés par TB Joshua, de son vrai nom Temitope Balogun Joshua.
La Scoan a rapidement rejeté ces allégations, affirmant qu'aucune des personnes apparaissant dans les vidéos n'était membre de l'Église.
Au Nigeria, ces accusations mettent en lumière la puissance de certains pasteurs évangéliques, ainsi que les critiques qui les visent alors que le fonctionnement interne de leurs églises demeure opaque, selon des experts interrogés par l'AFP.
Ebenezer Obadare, spécialiste des mouvements évangéliques au Nigeria.
"L'erreur à ne pas commettre est de se focaliser sur TB Joshua. Le vrai sujet est l'influence des pasteurs et la manière dont ils en usent", a déclaré Ebenezer Obadare, chargé d'études sur l'Afrique au Think Tank Council on Foreign Relations et auteur de l'ouvrage "Pouvoir pastoral, État clérical : pentecôtisme, genre et sexualité au Nigeria".
"La figure masculine est prééminente et tous les fidèles sont subordonnés au pasteur pentecôtiste, qui a un énorme pouvoir politique et économique mais aussi érotique", ajoute-t-il.
Après les publications de la BBC, les internautes se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes accusant les témoins et le média britannique de vouloir nuire à l’héritage du pasteur.
Au Nigeria, pays conservateur en matière de religion divisé entre un nord majoritairement musulman et un sud principalement chrétien, les pasteurs ont une influence considérable.
TB Joshua, surnommé "le Prophète", ne faisait toutefois pas l’unanimité au sein des églises évangéliques, une branche du protestantisme.
En avril 2021, YouTube a supprimé sa chaîne après qu'il a prétendu guérir l'homosexualité, qui est interdite par la loi au Nigeria.
Il s'est aussi vanté d'avoir guéri des personnes du sida et avait affirmé que la pandémie de Covid-19 prendrait fin le 27 mars 2020.
Depuis longtemps, des responsables d'églises nigérians tiraient la sonnette d'alarme sur son comportement. En 2009, la Communauté pentecôtiste du Nigeria (PFN), l'un des plus grands groupes chrétiens évangéliques du pays, s'est publiquement dissociée de l'église de TB Joshua, l'exhortant à se "repentir" et à se "convertir" au christianisme.
Ayo Oritsejafor, leader du PFN à l'époque, avait accusé TB Joshua d’exercer le métier de pasteur sans formation préalable. Jusqu'à sa mort en juin 2021, Joshua et deux ingénieurs étaient poursuivis pour négligence criminelle devant un tribunal de Lagos après l'effondrement, en septembre 2014, d'une maison d'hôtes de six étages en construction dans l'enceinte de son église, qui a tué 116 personnes, pour la plupart des Sud-Africains.
Le porte-parole du ministère de la justice de l'État de Lagos n’a pas répondu aux demandes de l’AFP sur l’état d'avancement de cette affaire.
Selon Babatomiwa Owojaiye, fondateur du Centre pour le christianisme biblique en Afrique, de nombreux Africains ont cru à ses miracles malgré les accusations à son encontre.
ll estime difficile d'encadrer les activités des prophètes autoproclamés et des chefs religieux puisqu'ils ne sont pas associés à une structure formelle qui jouerait les garde-fous.
"Dans beaucoup de ces églises, de nombreux abus sont commis sans contrôle et toute personne qui s'exprime est victime d'intimidation, de chantage, de maltraitance, d'ostracisme ou réduite au silence", explique-t-il à l'AFP.
"Mais ces allégations ne suffisent pas à qualifier tous les évangélistes du Nigeria de faux ou d'abusifs", tempère-t-il.
Le porte-parole du PFN, Emmah Isong, a déclaré à l'AFP que le groupe avait constamment mis en garde contre TB Joshua, sans pour autant ébranler les soutiens du pasteur.
"Nous avons été accusés d'être jaloux du ministère de cet homme. Nous ne devrions pas être fustigés pour avoir défendu la vérité", a-t-il souligné.
Le 26 janvier, la Cour de justice de Lagos a condamné à la prison à vie un autre pasteur évangélique, Oluwafeyiropo Daniels, pour viols.