Le M23 poursuit son avancée rapide dans l'est de la République démocratique du Congo. Dans ce contexte, les Nations unies ont condamné directement le soutien du Rwanda au groupe armé et le chef de la diplomatie américaine a appelé à un cessez-le-feu.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a, pour la première fois vendredi, condamné directement le Rwanda pour son soutien à l'offensive du M23 dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), réclamant le retrait "immédiat" de ses troupes. La résolution qui "condamne fermement l'offensive et l'avancée en cours du M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu avec le soutien des forces de défense rwandaises", a été adoptée à l'unanimité.
Le même jour, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a appelé à un "cessez-le-feu", dans un appel téléphonique avec le président kényan William Ruto. Les deux responsables ont jugé "inacceptable la prise de Goma et Bukavu par le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda", et appelé à une "solution diplomatique à la crise". Christophe Rigaud, journaliste et fondateur du site d'information Afrikarabia, revient pour TV5Monde, sur ces derniers évènements.
TV5Monde : C'est la première fois que le Conseil de sécurité des Nations unies condamne directement le Rwanda. Quel est l'impact de cette résolution dans le conflit ?
Christophe Rigaud : C'est une nouvelle étape franchie par l'ONU avec sa condamnation du soutien du Rwanda au M23. Toutefois, on peut encore rester assez sceptique sur les conséquences de cette résolution, car, pour faire bouger les choses, il va falloir envisager des sanctions. Le déploiement de soldats rwandais dans les forces onusiennes soulève également des questionnements.
En somme, même si on ouvre une nouvelle étape dans le conflit, elle n'est pas décisive pour faire basculer la position de Kigali. Il faudrait rester attentifs sur l'entrée en jeu de la nouvelle administration de Donald Trump.
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TV5Monde : Quelle est la position de Washington vis-à-vis du conflit ?
Christophe Rigaud : Les États-Unis, du temps de Joe Biden, ont été aux avant-postes de la condamnation du Rwanda. Et c'est au moment où Donald Trump a été élu qu'il y a eu une espèce de flottement. Avec tous les changements de paradigme qui ont accompagné la prise de pouvoir de Donald Trump, on se demandait sur quel pied danser. L'échange téléphonique entre Marco Rubio et William Ruto autour d'un cessez-le-feu a montré un intérêt de la part de Washington et laisse entrevoir les lignes directrices.
À cela, on ajoute un élément de pression supplémentaire : les sanctions ciblées du Trésor américain contre James Kabarebe, militaire, ancien ministre de la Défense du Rwanda et proche du président Paul Kagame. Il coordonnait notamment les relations entre l'armée rwandaise et le M23.
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TV5Monde : Quel serait le poids du M23 si le Rwanda venait à lui retirer son soutien ?
Christophe Rigaud : Nous pouvons estimer que cela serait quand même un frein pour l'organisation militaire et ses offensives. Le soutien militaire du Rwanda, d'un point de vue technologique, est très important.
Toutefois, il faut prendre en compte que l'avancée du M23 est très importante : ils n'ont jamais conquis autant de territoires. Et, à chaque fois que les forces paramilitaires avancent, elles sont de nouvelles recrues. Il y a des militaires congolais qui rendent les armes, mais aussi d'autres groupes armés qui peuvent les rejoindre. Résultat : ils grossissent un petit peu leurs troupes au fur et à mesure qu'ils conquièrent des territoires. Il va être compliqué, pour l'armée congolaise – dont on connaît la faiblesse – de reprendre la main sur ces territoires.
TV5Monde : Comment le conflit a-t-il évolué ?
Christophe Rigaud : Premièrement, il y a eu des conséquences humanitaires catastrophiques. Il y a quand même eu plus de 3 000 morts au moment de la prise de Goma. Je pense que Bukavu a échappé au bain de sang si on compare les deux bilans, mais il y a également eu beaucoup de victimes. Sans compter le nombre de plus en plus élevé de réfugiés qui tentent de gagner le Burundi.
Sur le plan militaire, on observe une certaine continuité. Le M23 se retrouve face à une armée congolaise qui semble être en déroute et qui ne se bat pratiquement plus. Au Sud-Kivu, par exemple, les Casques bleus ont quitté le territoire et les forces congolaises ne comptent plus avec le soutien logistique de l'ONU.
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TV5Monde : L'Ouganda, présent en République démocratique du Congo, peut-il arrêter l'avancée du M23 ?
Christophe Rigaud : On en doute. Le président Yoweri Museveni a par ailleurs précisé que la présence dans son armée dans la région n'avait rien à voir avec la lutte contre le M23. Les relations entre l'Ouganda et le Rwanda sont à géométrie variable. On a presque l'impression qu'ils ont un pacte de non-agression où chacun cherche à avoir une zone d'influence. Cela met en difficulté Félix Tshisekedi, car il n'a donc aucune garantie de l'armée ougandaise pour sécuriser le nord. Et, au sud, la RD Congo est complètement tributaire de ce que l'armée burundaise décidera de faire. C'est une situation très ambigüe.