Tchad : une élection présidentielle à haut risque

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Tchad : une élection présidentielle à haut risque (1)
(Capture d'écran AFPTV/TV5MONDE)
Mis à jour le
5 mai 2024 à 09:12
par Nadia Bouchenni

La population tchadienne est appelée aux urnes, ce lundi 6 mai, pour élire son nouveau président. Cette élection doit mettre fin à une transition qui aura duré trois ans, depuis le décès d’Idriss Deby Itno, tué dans l’ouest du Tchad lors d’une offensive des rebelles du Fact, en avril 2021. Ce scrutin se joue sur fond de tensions politiques.

Dix candidats, 9 hommes et une femme, mènent campagne depuis trois semaines pour cette élection présidentielle. Plus de 8 millions de Tchadiens sont attendus dans les bureaux de vote pour élire leur nouveau président. 

(Re)voir J- 3 avant les élections présidentielles au Tchad

Mahamat Idriss Déby, l’actuel président de transition, a été installé par les généraux de l’armée tchadienne. Il s'était engagé à rendre le pouvoir aux civils, au bout de 18 mois de transition. Trois ans plus tard, le fils Déby cherche à légitimer son pouvoir et s'affranchir de l'héritage de son père. Grand favori de l'élection présidentielle, le "général président" a d'ores et déjà annoncé qu'en cas de succès, il promet de ne pas faire plus de deux mandats successifs, dans un entretien accordé à France 24. Ses détracteurs qualifient ce scrutin de "grande mascarade".

Succès Masra, poisson-pilote de Mahamat Idriss Déby ?

Sur les neufs autres candidats, Succès Masra est le principal rival du président sortant. Revenu d'exil en novembre dernier, après avoir signé un accord de réconciliation avec le pouvoir, l'opposant avait appelé à voter le projet de réforme constitutionnelle. 
Nommé Premier ministre dans la foulée, Succès Masra a été investi candidat par le parti d'opposition Les Transformateurs le 10 mars à N'Djamena. Depuis, il mène campagne promettant de "réparer les cœurs et réunir le peuple". Certains de ces anciens amis lui reprochent de s'être compromis avec le pouvoir et se posent des questions. Succès Masra a-t-il passé un pacte électoral secret à son retour au Tchad ? Est-il un candidat "prétexte" pour donner un semblant de pluralité à une élection que ces détracteurs considèrent comme gagner d'avance par Mahamat Idriss Déby ? Succès Masra a toujours démenti se plaçant sur "le chemin de la réconciliation nationale". 
 

Lydie Beassemda est la seule femme à se présenter à la présidentielle. Déjà candidate en 2021, cette ingénieure en industries agro-alimentaires et présidente du Parti Démocratique du Tchad (PDI) est rompue à l'exercice. Son programme repose sur le fédéralisme et la défense du droit des femmes. En 2021, elle était arrivée en 3e position, derrière Albert Pahimi Padacké, également candidat à la présidentielle de ce lundi 6 mai. Il défend les couleurs du Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT - Le Réveil).

Mahamat Idriss Déby, lui, est soutenu par une coalition de plus de 210 partis politiques, dont le MPS, fondé par son père. Ce parti est au pouvoir depuis plus de 30 ans.

(Re)voir Tchad : 10 candidats pour la présidentielle

Les autres candidats sont Baltazar Alladoum Djarma, Théophile Bebzouné Bongoro, Mansiri Lopsikréo, Brice Mbaimon Guedmbayë, Nasra Djimasngar et Yacine Abdramane Sakine.

Un appel au boycott du scrutin

Les déclarations de candidature à cette élection ont dû être déposées avant le 15 mars dernier. Le Conseil constitutionnel avait reçu 20 dossiers. Il n’en a finalement retenu que 10, les autres ayant été jugés “irrecevables” et “non conformes” par l'institution.

Certains candidats écartés ont appelé au boycott du scrutin, au sein du GCAP, le Groupe de concertation des acteurs politiques, ainsi que des organisations de la société civile et des syndicats. Le mouvement dénonce même une certaine "confiscation du pouvoir" par le clan Déby.

(Re)voir Tchad : les appels au boycott de l'élection présidentielle se multiplient

La jeunesse tchadienne semble vouloir s'exprimer dans cette élection. Mais, une partie de celle-ci ne possède pas de carte électorale ou n’est même pas inscrite sur les registres.

Le premier ministre, Succès Masra, l'un des trois candidats à l'élection présidentielle, est accueilli par une grande foule de partisans à son arrivée à un rassemblement de campagne dans la ville de Moundou, le 28 avril 2024.

Le premier ministre, Succès Masra, l'un des trois candidats à l'élection présidentielle, est accueilli par une grande foule de partisans à son arrivée à un rassemblement de campagne dans la ville de Moundou, le 28 avril 2024.

(Capture d'écran AFPTV/TV5MONDE)

Tensions et répressions

Les tensions entre candidats, notamment entre Mahamat Idriss Deby et Succès Masra, n'ont cessé de croître pendant cette campagne. Un bureau du parti des Transformateurs aurait été incendié fin avril à N’djamena. Le camp Masra dénonce également des arrestations arbitraires de certains de leurs militants.

Dans un communiqué publié le 2 mai, des ONG, comme La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ou encore la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), se sont dites “préoccupées par la situation des droits humains et la crédibilité du scrutin”.  Elles appellent à la venue “d’observateurs internationaux pour veiller au bon déroulement de l’élection” au Tchad, afin d’éviter une nouvelle crise politique. 

Pendant la durée de la transition, le pays a connu des épisodes particulièrement violents comme la répression sanglante des manifestations contre la transition en octobre 2022 ou encore la mort d’un des opposants à Mahamat Idriss Déby, son propre cousin, Yaya Dillo, lors d’un assaut de l'armée au siège de son parti.

Ce scrutin est attendu depuis longtemps par les Tchadiens, qui resteront certainement attentifs à l'attitude des candidats à l'annonce des résultats.